The Cover : Pierre Schwerzmann

Peinture murale pour l’Usine à Gaz, 2021
Visible à la nouvelle Usine à Gaz, Nyon, Suisse

Peinture murale pour l’Usine, par l’artiste.

 » Pour ce lieu destiné prioritairement aux arts vivants permettez-moi de parler très brièvement de peinture.

Dans son rapport au temps, si différent de celui des arts vivants, la peinture a l’âge des feuilles qui tombent des arbres. Si elle inclut un détachement, une séparation, elle inclut aussi le temps. Pour ce lieu, je l’ai vue comme un complément silencieux aux arts du spectacle. Dans ce projet, j’ai voulu faire quelque chose qui reste pour quelque chose qui bouge, sachant que ce qui bouge fait fatalement bouger ce qui reste.  

Il s’agit de simples bandes de couleurs vives traversant un mur de béton sur lequel s’appuie la structure architecturale où dominent les noirs et les variations de gris. Par contraste, elles cherchent à donner son unité à ce grand mur morcelé par cette infrastructure. Ce que montrent ces tracés colorés est un dispositif de déplacement. Dans la verticalité de la cage d’escaliers, les lignes horizontales apparaissent et disparaissent au gré du cheminement, elles se déplacent en accompagnant le déplacement des corps vers l’obscurité des niveaux inférieurs ou vers la lumière des entrées.

Une des spécificités de cette peinture est la tentative d’inclure l’utilitaire dans son champ. À voir, cela ne paraît rien, mais gérer 6 kilomètres de ruban coloré suppose une vision globale et de détail à s’arracher les cheveux compte tenu de la complexité du lieu. Pour exemple, faire coïncider les bandes de couleur avec les escaliers sur quatre niveaux à hauteurs variables comme si de rien n’était a été un vrai défi. Faire apparaître les éléments utilitaires disséminés sur la surface comme des ready made, faire d’un tableau technique un tableau, fait aussi partie de ce travail, son éventuelle nouveauté, soit de transformer tout ce qu’il touche en signe. Pour cela, il a fallu que cette peinture englobe ce grand mur de béton, qu’elle lui donne sa dimension, qu’elle établisse son plan. 

Dans mon travail, je suis sensible aux différents contextes et au passage clair d’un contexte à l’autre pour éviter d’être noyé dans l’indifférencié. Quand je pense théâtre, performances scéniques, cinéma ou concert, je pense à cette sorte de captation, parfois hypnotique qu’ils engendrent en nous. Après le spectacle et devant la peinture il est possible de se taire… ou de parler. Cette peinture a donc été conçue pour ce lieu, elle ne se veut pas intrusive, elle accompagne et laisse parler. Elle n’a pas de mots d’ordre, elle n’envahit pas, elle se retire derrière les gens qui passent ou s’arrêtent… en les reliant. « 

Pierre Schwerzmann,
Août 2021