Davide Cascio

Beside Painting, 2020
Collage et peinture acrylique sur papier 33 x 44.5 cm

I went to the woods

I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived. I did not wish to live what was not life, living is so dear; nor did I wish to practise resignation, unless it was quite necessary. I wanted to live deep and suck out all the marrow of life, to live so sturdily and Spartan-like as to put to rout all that was not life.

Thoreau Henry David, Walden; or Life in the Woods. Boston, Ticknor and Fields, 1854.

I went to the woods, pour pratiquer ce que Thoreau appelle the essential facts of life, je suis dans mon atelier comme dans une jungle. La selva est le lieu de la densité, de l’hyper-présence, de l’absence de vide et en conséquence le lieu de l’appropriation et de la trans-création. A poil dans l’Amazonie je n’ai qu’à m’ouvrir un chemin à coups de machete pour devenir Macounaïma le heros sans aucun caractère (1) . Parce que le chemin n’existe pas, il est tout à découper. Ce n’est pas un droit chemin comme ce qu’on nous raconte à l’éducation nationale ou à l’église ou encore l’ihdina siratal moustakime (Guide-nous dans le droit chemin) de la surat al Fatiha du Coran al karim… Non, il s’agit des infinis chemins de la selva, et ils ne sont jamais droits, mais plutôt circulaires, dédalesques, vermiculaires. Des cercles comme des cycles à la James Joyce

Hohohoho, Mister Finn, you’re going to be Mister Finnagain! Comeday morm and, O, you’re vine! Sendday’s eve and, ah, you’re vinegar! Hahahaha, Mister Funn, you’re going to be fined again! FW, 5. 9-12.

L’architecture circulaire et spiraliforme conçue par Joyce pour Finnegans Wake fait référence à une vision cyclique de l’histoire (2) (recirculation / rearrived) (3) ; le retour, le revenir (riverrun, finnagain), implique la résurrection constante de (Finn) l’histoire (mort – oubli – résurrection) la réincarnation (4) du mot, qui est toujours là, mais qui n’est jamais le même mot (Finn, Finnagain, funn, fined again) mutations. Il s’agit plutôt d’une remémoration (5) qu’implique un (temporaire) oubli(er) , cet oubli provoquerait par la suite une sorte d’hypermémoire qui fonctionnerait comme un palimpseste (par strates de superpositions et d’effacements) (on retrouve dans le noir des systèmes mnémotechniques toutes les mutations possibles du mot que sont in et again). Cet oubli est activé, par une forme en changement permanent (par une action de collage-découpage). En passant par le point de vue de Finn (But I, entelechy, form of forms, am I by memory because under everchanging forms) son histoire devient l’instrument pour oublier. (Joyce invente une structure pour ré-organiser des quantités énormes et diverses de matériau et fait de la superposition des modèles contradictoires l’un des principes centraux de Ulysses et Finnegans Wake.) L’écriture constante du même mot, effacement, dé-construction, oubli, fragment, construction, mémoire (remember).

1 Mario De Andrade, Macounaïma, le héros sans aucun caractère, Flammarion, 1979.

2 (voir infra, n. 46) La vision de l’histoire, dans Finnegans Wake, est très fortement influencée par Giambattista Vico. Pour Vico, tout, dans les affaires humaines, est issu de processus qu’il faut décrire et interpréter. L’histoire se répète selon des cycles qui permettent de lire toutes les civilisations selon un modèle semblable. [trad.]

3 « riverrun, past Eve and Adam’s, from swerve of shore to bend of bay, brings us by a commodius vicus of recirculation back to Howth Castle end Environs. Sir Tristram, violer d’amores, fr’over the short sea, had passencore rearrived from North Armorica » FW, 3. 1-5.

4 « La renaissance du livre ambitionne une réincarnation de son auteur à travers son lecteur. » James Joyce, Finnegans Wakeop. cit., p. 9, n. 1.

5 « Sir Tristram, violer d’amores, fr’over the short sea, had passencore rearrived from North Armorica […] » FW, 3. 4-5.

Prix sur demande à info@vanderloveletter.com