Geneviève Capitanio

Née en 1964 à Sion, Suisse

Enfant, lorsqu’elle rendait visite à son grand-père, elle passait son temps dans l’abri au bout du champ d’abricotiers, qui était une simple et petite bâtisse que ses grands-parents avaient construite en attendant la fin de la construction de la maison, puis qui est devenue le logement et l’atelier d’un artiste inconnu, pour terminer par ce qu’on appelait la guérite, un dépôt à l’abandon avec ses reliques du passé.

Sa mère, décoratrice, lui a donné le goût de l’art dès son plus jeune âge, des reproductions d’artistes remplissaient les murs de l’appartement et les visites au musée étaient fréquentes. À 13 ans elle installe un atelier dans la cave de l’appartement. A 20 ans, elle suit l’Ecole des Beaux-Arts et obtient son diplôme de peinture 5 ans plus tard. Elle y rencontre Florent Merminod, sculpteur, qui deviendra son mari. Fascinés par les techniques de peinture anciennes et traditionnelles, ils suivent en 1994 l’école supérieure de peinture Van der Kelen à Bruxelles, avec M. Van der Kelen, où ils apprennent à imiter le bois et le marbre. En 1995 ils fondent l’atelier Vox.A où ils collaborent avec les artistes pour la réalisations de leurs oeuvres.

Jusqu’en 2008 elle peint des portraits mais dès 2008, date de l’entrée dans sa vie d’un jardin potager qu’elle entretient en permaculture, son travail s’oriente vers la nature et ses cycles de transformation.

Depuis 2016, la cartographie en cours de Morphy se concentre sur le dialogue entre peinture et sculpture et parle du temps et de la transformation. Morphy reflète son amour pour les natures et la peinture et réenchante une réalité trop utilitaire bien que depuis 1995 elle vit et travaille à Montreux.

 » En 2016 j’ai commencé à cartographier Morphy. Cette carte est un work in progress.

Ce travail découle des marches quotidiennes dans ma région et est une sorte de psychoarchéologie, située peut-être dans le futur, peut-être post ou pré-apocalyptique. Morphy est le prétexte pour faire émerger un univers fictif et empirique et la recherche d’une méthode pour «lire» ma ville, ma vie. Ce pays est aussi grand que ce que mes pas ont porté.

“Morphy“ est divisé en plusieurs secteurs et chacun d’eux a une identité propre. Son esthétique, ses rites, son histoire s’inscrivent dans une démarche qui évoque la forme, des formes glanées sur le chemin et dans les images de mes souvenirs, réunissant ainsi les champs de l’expérience et de la mémoire, une sorte d’inventaire. Il n’y a donc aucune limite stylistique, ce sera la somme de tous ces secteurs qui définiront finalement mon style.

Considérant le secteur du « Champ Vague » comme le lieu de culture potagère de Morphy, il m’a permis de peindre des natures mortes ayant la propriété d’un système à se produire lui-même malgré le changement de composants soumis aux codes de notre époque. Statufier ces compositions végétales, à la limite de l’abstraction, tout en évoquant le passage du temps, du vent et du mouvement, les nommer avec le nom de maisons croisées sur les chemins m’a permis d’introduire l’idée d’un chez soi idéalisé, protecteur mais fragile. Finalement il s’agissait de Vanités: «Jamais nous-mêmes, toujours nous- mêmes, à chaque jour différent, d’heure en heure» pour reprendre une ode baroque. Peu à peu j’ai introduit le marbre et sa technique classique de la peinture d’imitation des matières que j’avais apprise à Bruxelles en 1994. Le marbre avec ses formes flirtant avec la palette, parfois l’imitant, roche métamorphique, révèle le temps qui emporte puis fige la matière. La technique de peinture d’imitation du marbre appuie la tradition de l’art du souvenir et l’acte de méditation.

Le secteur « Sur le champ » est un travail sous contraintes: format A3, technique libre et abstraite exceptées la fumée et les explosions. Un champ de bataille et une expérience pour sortir de la longue période de peinture figurative que je pratiquais depuis … toujours.

Depuis je navigue entre abstraction et figuration ou un mélange des deux et avance sur plusieurs secteurs en même temps.
Macheyrix, En Enfer, Karma, West End, l’Entre-Deux, la Guérite…. Ces noms sont soit des toponymes, soit des chemins, des arrêts de bus, des discothèques disparues (la Plage), enfin des noms qui existent réellement mais que je ramène dans Morphy. Ils sont les prétextes à construire une culture propre à chacun, la toponymie associant le lieu, l’histoire, la géographie mais aussi la sociologie.

Morphy me permet aussi d’idéaliser mon panorama et de déplacer les montagnes.

Fin 2020 début 21, je suis revenue à l’abstraction avec “Studio 91“, comme une commémoration de notre atelier de peinture et sculpture.

Morphy me laisse une grande liberté pour naviguer dans toute ma fascination pour la peinture, de l’abstraction à la figuration, de l’art pariétal jusqu’à aujourd’hui. Il est un pays polymorphe et protéiforme, sans barrière chronologique, une métaphore de l’Homme toujours à la recherche d’une perte continue, un Homme métamorphe.

En dehors de la dénonciation, au-delà du constat, je me tiens hors-champ, dans une interprétation silencieuse et poétique des choses, un ré-enchantement d’une réalité trop morose et utilitaire. Une illusion de la désillusion.

Je vise une délicatesse venimeuse, une réalité embellie et enivrée, une esthétique flatteuse où le doute et la menace rodent. Je veux créer un dialogue entre la peinture, la sculpture et le trompe-l’œil, la fièvre du samedi soir et l’après-hier. » GC, 2021

DR / Geneviève Capitanio, 2021
IG / Geneviève Capitanio