Suzanne Dracius

ATTERRÉE EN PLEINE ASCENSION

Atterrée, en pleine Ascension, que l’on ait pu à la fois parvenir, à une même époque, à un si haut degré d’intelligence artificielle et, dans le même temps, descendre à un tel niveau d’imbécillité virtuelle ou de réelle stupidité, se hisser jusqu’au nec plus ultra du raffinement citadin et en même temps massacrer si sauvagement la nature, atteindre un summum de sophistication avec téléphones et tablettes et sombrer dans les pires abîmes de barbarie, ulcérée que l’on puisse développer autant de moyens de lutte contre le mal, la maladie, et s’abaisser à un tel point de vilenie, de mauvaiseté, concomitamment, s’organiser si efficacement pour combattre la misère et affamer pareillement la terre, horrifiée que l’on puisse être arrivé à un tel degré de technologie, envoyer des fusées dans l’espace, des satellites, et en être arrivé là, en être là, descendre si bas dans l’obscurantisme, se prosterner, se prostrer, se mettre à quatre pattes, se vautrer dans l’archaïsme, l’ignorance et l’ignominie, projeter de retourner marcher sur la lune et en même temps fouler aux pieds les droits de l’Homme, piétiner les droits de la Femme, fabriquer des armes de destruction massive, danser sur le ventre du voisin ou de l’ennemi lointain et interdire l’avortement même en cas de viol, simultanément stimuler au maximum le savoir, porter au sommet l’instruction et se fabriquer des croyances préhistoriques, accroître la connaissance et se façonner des fois immondes, faire preuve d’autant d’humanisme et de bêtise à la fois, donnant libre cours à ses instincts animaux les plus inhumains; épouvantée que l’humain, capable d’une si magistrale lucidité, d’analyses aussi poussées, soit en proie à une telle folie, qu’en mesure de maîtriser quasiment l’universel, l’homme se laisse aller à une pareille démesure et à tant de mesquinerie ; écœurée que les hommes puissent à la fois parcourir les océans et naufrager dans le pire repliement sur soi, exaspérée par toutes ces contradictions et l’incohérence du monde.

Port-Royal, Jeudi de l’Ascension

Des tissus noirs

Adrien Savigny


Crêpe de laine

Comme un fleuve aux larges méandres,
Dont le courant lourd et régulier entraine tout sur son passage, Le regard sombre dans son sillage compacte et mélancolique.

Sergé de soie

Indifférent, il se déploie glacé et glissant , Insensible aux yeux tendus vers ses stries luisantes, Sa surface se casse pour mieux happer le regard.

Satin de soie

Effleurant sa surface scintillante du bout des doigts,
Il glisse et frémit comme une feuille dans le vent d’automne,
Avec gaieté et insouciance, délicatement se pose sur le ciel gris d’octobre.

Crêpe Marocain

Ondoyant comme une dune du Sahara,
Il déploie sa surface granuleuse et sensible, Dense et souple, il se glisse autour des doigts.

Tweed de laine

Dans ses ramages s’enchevêtrent les contours flous d’une matière moelleuse, A sa forme nébuleuse s’accroche la chaleur d’un été lointain,
Au coeur de l’hiver,

Velours de soie

Il coule sur le corps en un mouvement doux,
Son fin duvet flamboyant, avide de lumière,
Une caresse chatoyante et éphémère sur la peau frémissante.

Lin irlandais

Gonflé par le vent et fouetté par l’embrun des vagues,
Reposant sur la rosée du matin,
Bouffant et mouvant sous un ciel nuageux.

Hard Edge chez Denise René

En écho à l’exposition Hard Edge organisée en juin 1964 par Denise René dans sa galerie rue La Boétie, la galerie Denise René espace Marais réunit, à partir du 12 mars 2020 une sélection pointue d’œuvres d’artistes historiques déjà présents en 64, tels Albers, Baertling, Lhose, Mortensen, enrichie de l’apport d’artistes contemporains (Claisse, Kujasalo, Nemours, Pe Lang, Ullrich…) dont le travail sur les couleurs et les formes géométriques s’inscrit en résonance avec ce mouvement des années 60.

Gabba Boy

As seen in the VDL#3

Gabba Boy, sound artiste, Suisse né à Rome. Il travaille entre Vevey et Genève. 
Passionné de musique électronique, de fanzines et films d’animations. Il s’inspire principalement de vieux magazines, pochettes de disques et vieux comics pour créer des collages digitaux.