I avoid explaining my art. The viewers should be able to associate freely and make their own picture, as I can always discover new things in it. It is important to me that a picture holds a secret. Thematically it is about love, the absurd, grotesque, queer, abysmal, religious, longing and demanding.
J. Eisenacher, 2022
Born in 1964 in Frankfurt am Main he works and lives in Berlin.
Un arbre pointe du doigt Et les rues se renversent Les immeubles s’étirent Et entre les vitres Une fleur de fer forgé
Pour Henry Fox Talbot, un des pionniers de la photographie, les images naissent sous « le crayon de la nature ». Ainsi le monde se dessinerait de lui-même sur la pellicule et le photographe laisserait simplement l’image advenir.
C’est ce même « crayon de la nature » qui dessine les ombres à l’image des choses : photographier des ombres (comme d’ailleurs des reflets) revient donc à faire des images d’images. C’est à ce phénomène que fait référence ici le mot « skiagraphie », sorte de terme négatif et complémentaire de la « photographie ».
Dans la continuité de mes deux premières expositions, je présente à MottAttoM une pellicule entière (soit 39 images et une amorce). Toutes les images, mis à part l’amorce et les trois dernières, ont été prises en une semaine à Athènes, en août 2021, au hasard des mes déambulations. L’amorce a été prise sur le bateau m’amenant à Athènes et les trois dernières images à Genève, à mon retour de Grèce. Les ombres et les reflets sont les sujets principaux des cette pellicule qui a été tirée sur papier argentique pour tenter de rendre au mieux leurs nuances et leurs contrastes.
J’ai choisi de recomposer la pellicule, dans l’espace de MottAttoM, autour de chacune des images prises à Genève. La pellicule, liant ainsi différents lieux (et différents instants), devient elle-même un espace (-temps) : le lieu où l’ombre du monde se recueille.
Audrey Guttman – Les Inventions Sauvages – Pigment print on cotton paper 130 x 90 cm, 2022
VERNISSAGE JEUDI 5 MAI 2022 DE 17 À 20H.
MINUTIAE
Comme par miracle, lorsqu’elles sont regardées sous le prisme du détail, les choses ou les êtres du quotidien se métamorphosent en devenir un « petit important », pour débrider la perception du spectateur. Au-delà du conscient, l’esprit s’envole et vagabonde devant les moitiés de corps vaporeusement entremêlées de Yoora Lee, les découpages d’intérieurs intimes ou les morceaux de fleurs sensuelles de Poppy Jones, les gros plans de mains et pieds crûment entrelacés de Chloe West ou les collages subtils d’Audrey Guttman dénonçant les réalités de notre monde.
Le détail n’est jamais accidentel, jamais anodin, lorsqu’il est sérieusement cadré. Le regardant n’a plus à le chercher dans une fresque immense comme ce divin toucher de genou d’Andrea Mantegna dans la chambre des époux au Palais Ducal de Mantoue qui n’est pas sans rappeler celui des humains rencontrés par Yoora Lee à l’époque contemporaine. Dans la réalité, un détail est parfois accidentel mais dans l’art, l’insignifiance n’existe pas. La scène, la personne, l’objet que l’artiste veut isoler, circonscrire, zoomer vient de sa volonté à provoquer cette « jouissance du détail » si bien décrite par l’historien Daniel Arasse.
Sous leur œil contemporain, cet accrochage s’inscrit dans une tradition qui existe depuis des siècles, tout en lui donnant un nouveau visage. Personne n’a mieux sublimé le détail au XXe siècle, que le peintre romain, Domenico Gnoli, à l’honneur récemment à la Fondation Prada à Milan. Sous son pinceau, une chevelure, une boutonnière, une rayure de cravate devient un sublime auquel, peut-être, on n’aurait jamais prêté attention.
Il fallait relever le défi. Ces quatre artistes l’ont fait, réunies par une même passion du détail, pour certaines sans le savoir. C’est ce lien que la galeriste Mighela Shama a eu l’ingéniosité d’établir entre toutes.
L’artiste Belge Audrey Guttman qui vit et travaille à Paris part d’un détail, comme ce gant de conduite automobile provenant d’une photo publicitaire avalé par la bouche d’une femme ou comme ces doigts au vernis à ongle rouge trouvés dans un Paris Match des années 1950 formant la chevelure d’une femme. Après des études à Sciences Po et une spécialisation dans la poésie italienne, elle est devenue artiste depuis quatre ans et a déjà exposé chez Ketabi Projects (Paris) ou au Hangar Photo Art Center (Bruxelles).
Le message de sa nouvelle série, mêlant collage et tirage pigmentaire sur papier coton, est clair, percutant, cinglant. Depuis toujours, elle amasse les images de livres et magazines dans ses tiroirs. Elle fouille et découpe jusqu’à ce que l’évidence s’impose, parfois tendre, parfois grinçante.
Déconstruire et réassembler des fragments d’images afin de perturber nos connaissances et révéler des parallèles inattendus, tel est le sens du travail de la Coréenne basée à Chicago, Yoora Lee. Elle dévoile des corps et des attitudes, dans une toile comme perçue à travers un écran, par ses filtres bleus et ses stries horizontaux. Nostalgique des moments passés adolescente devant la télévision ou sur internet dans les années 90, l’artiste cherche à recomposer cette bulle dorée d’une époque durant laquelle la Corée du Sud a connu la prospérité économique et vivait pleinement sans se préoccuper de l’avenir. Il flotte une grande mélancolie dans ses cadrages de corps qui s’unissent et se désunissent au gré des angles de vue. Ses scènes intimistes de la vie de tous les jours prennent alors l’aspect de subtils autoportraits.
La Britannique Poppy Jones diplômée du Royal College of Art trouve ses sujets dans son quotidien de la campagne du Sussex. Les objets familiers qui l’entoure nourrissent ses œuvres comme un rideau d’un intérieur traversé par la lumière, une veste baignée dans un océan bleu, ou un bouton de fleur qui éclot de manière très sensuelle. L’artiste part de photographies qu’elle retranscrit sur un support en tissu repeint à l’huile et à l’aquarelle. Elle fait elle-même ses cadres en aluminium. Généralement, elle excelle dans les petits formats. Pour la première fois, elle dépasse cette échelle, avec une œuvre de 40 par 33 cm. Son regard capte la fragilité du quotidien, l’insaisissable de la vie en laissant une empreinte sur le support qui semble déjà patiné par le temps.
Chloe West –Lamentation – Oil on linen 30.5 x 23 cm, 2022
Née à Cheyenne (Wyoming) et basée à St. Louis, Chloe West (diplômée d’un master of fine art à l’Université de Washington à St. Louis en 2017) explore quant à elle le corps et sa relation avec les espaces qu’il habite. Elle peint la carnation des peaux et leurs surfaces dans des instants d’intimités, avec des tons crus qui évoquent leur plénitude ou douleur. Elle tire son répertoire des époques médiévales ou de la Renaissance, en particulier de la peinture hollandaise et flamande. Si bien que ses corps nus sont comme des vanités. Est-ce son propre corps de femme qu’elle peint par fragments?
Dans ces quatre approches, il y a beaucoup de mystère à déchiffrer dans les menus détails…
Texte de présentation par le co-curateur, Jean-Marie Reynier
« Entrer dans l’atelier de SWOX c’est un peu comme pénétrer l’espace réservé aux enlumineurs du Moyen Âge. Nous arrivons devant une sorte de monastère industriel, passons des couloirs secrets remplis d’objets et de vestiges, montons des escaliers en pente et là, en guise de cerbère, un Retriever festif nous accueille dans une pièce en mezzanine remplie d’archives et de jeux labyrinthiques.
Entre 4 murs sans toit, dans cet espace improbable, l’atelier de David Weber.
Pots de pigments, bombes de peinture, tubes, pinceaux, carnets… une grande parois vitrée donne le ton et ouvre au monde réel. Dans cette pièce sans dimensions œuvre le scribe, il traduit, il copie, il consigne partout les signes glanés autour de lui.
Partout peinture, partout lettres et formes, partout couleur.
SWOX fait de la contre forme une abstraction qu’il traduit en lettre d’un bleu vif, d’un vert mythique, d’une coulure maitrisée, qui va de la tranche au sujet en un seul mouvement.
Car là, il s’agit bel et bien de mouvement.
Nous regardons l’artiste peindre les grandes surfaces de la toile qu’il prépare devant nous, lui-même vecteur il couvre le sujet avec de grands gestes de pinceau, heureux d’être traduits par sa danse. Le scribe, l’auteur de celles que l’on pourrait définir des lettrines contemporaines, danse autour de la toile, jouant de son outil tel d’un bâton sur un tambour.
Tout est profondément ritualisé dans son geste, nous sentons la concentration mais aussi la place laissée au plaisir et à l’erreur qui guette.
Dans cette cérémonie David, qui appartient au monde externe, se transforme en SWOX, le traducteur, le transcripteur dans son atelier, qui trace ces bordures et ces limites en peinture et en image.
La galerie Aarlo u Viggo est fière de vous montrer, pour sa première exposition personnelle à Buchillon, toiles connues et inédites de SWOX dans un accrochage étudié pour mettre en lumière la frontière subtile entre résistance picturale et surface éblouissante, dans le travail de cet artiste étonnant.
Nous nous réjouissons de vous faire déambuler dans cette exposition pleine de surfaces, de couleurs, de ruptures, de mots, de vecteurs et de matières »